Facteur rhésus et grossesse : incompatibilité et complications possibles

Tout savoir sur l'incompatibilité rhésus pendant la grossesse

L’un des premiers tests auxquels une femme enceinte doit s’attendre est un test de groupe sanguin. Ce test permet de vérifier son groupe sanguin et son facteur Rhésus. Son facteur Rh peut jouer un rôle dans la santé de son bébé, il est donc important de connaître cette information dès le début de la grossesse.

Peu de domaines de l’obstétrique ont évolué aussi rapidement que le facteur rhésus. En l’espace de 30 ans, on a découvert son existence, décrit les accidents qu’il pouvait provoquer; et trouvé un traitement non seulement pour guérir, mais aussi pour prévenir ces accidents qui constituaient un sujet de préoccupation majeure pour les accoucheurs.

Aujourd’hui, comme vous allez le voir, l’avenir se présente sous un jour très favorable. Mais toute future maman redoute encore ces accidents, sans savoir en général ce qui peut les provoquer. Nous allons vous l’expliquer. Cela va entraîner des explications un peu longues peut-être, mais sans elles vous auriez de la peine à comprendre.

Les groupes sanguins

Vous avez certainement entendu dire que, avant de faire une transfusion sanguine, on analysait le sang du « donneur » et celui du malade. Pourquoi ? Parce que certains sangs ne sont pas acceptés par d’autres; il arrive que le sang de la personne qui reçoit se défende, et fabrique des anticorps, substances capables de détruire le sang reçu.

Chaque individu appartient à un « groupe sanguin ». Chaque groupe sanguin est caractérisé par la possession de deux substances. L’une se situe dans les globules rouges : c’est l’agglutinogène que l’on désigne par les lettres A et B. C’est lui qui donne son nom aux groupes sanguins. Il y a quatre groupes : A, B, AB, O. Mais comme on le voit dans le tableau ci-dessous, l’un des groupes sanguins contient deux agglutinogènes ( le groupe AB), et un autre (le groupe O) n’en contient pas du tout.

L’autre substance est contenue dans le plasma sanguin, (ou « eau ») qui véhicule les globules rouges. C’est l’anticorps, ou agglutinine(1). On peut le désigner par les lettres a, b, correspondants aux agglutinogènes A, B. Cette agglutinine a la propriété de détruire (en terme médical d’agglutiner ou lyser) les globules rouges qui possèdent l’agglutinogène correspondant.

Il va donc de soi qu’un individu ne peut posséder dans son sang en même temps l’agglutinogène A et l’agglutinine a, car il détruirait alors ses propres globules rouges. En revanche, comme le montre le tableau, un sujet d’un groupe sanguin possède l’agglutinine qui ne correspond pas à son agglutinogène.

La répartition des groupes sanguins dans la population varie selon les races. Ainsi en Europe occidentale, 45% des individus sont du groupe O et 5% seulement du groupe AB.

Lorsqu’on pratique une transfusion sanguine, il est donc indispensable, sous peine d’accidents graves, de respecter les règles de compatibilité entre le sang du receveur et le sang du donneur.

Groupe Agglutinogène
(globule rouge)
Agglutinine
(sérum)
Remarques
A
A b Ne peut :
– donner qu’à son groupe
– recevoir que de son groupe ou du groupe O
B
B a Idem
AB
A et B Pas d’agglutinine Receveur Universel
(reçoit tous les sangs)
O
Pas d’agglutinogène a et b Donneur universel
Peut donner à tous les autres groupes

Le facteur rhésus et ses particularités

Mais, tout en respectant les règles de compatibilité entre sang du receveur et sang du donneur, on observait lors de certaines transfusions, des accidents inexplicables. De même, des complications graves, parfois mortelles survenaient chez des enfants au cours de la grossesse, ou dans les jours qui suivaient la naissance.

C’est en 1940 qu’ont eut l’explication de ces accidents, lorsqu’on découvrit l’existence du facteur rhésus. On s’aperçut alors que l’on pouvait diviser les humains en deux groupes : la plupart d’entre eux (85%) possèdent en effet sur les globules rouges un agglutinogène supplémentaire appelé facteur rhésus (du nom de la race des singes sur lesquels furent effectués les travaux expérimentaux). Ils sont appelés rhésus positif. les 15% restant ne possèdent pas cet agglutinogène facteur rhésus; ils sont dits rhésus négatif. Chaque individu est donc caractérisé à la fois par son appartenance à l’un des quatre groupes sanguins, A, B, AB, ou O, et par son facteur rhésus positif ou négatif.

Lors des transfusions sanguines, il est donc évident qu’il faut respecter les règles de compatibilité non seulement dans le système classique (A, B, AB et O), mais aussi dans le système rhésus.

Mais, et c’est là que les choses se compliquent un peu, le système rhésus présente une originalité. Dans le système classique, un sang qui ne possède pas d’agglutinogène possède l’agglutinine correspondant, regardez, par exemple, le cas du groupe O. Pouvait-on en conclure que les rhésus négatifs, c’est-à-dire les 15% d’humains n’ayant pas d’agglutinogène rhésus, possédaient l’agglutinine anti-rhésus? Non, et c’est là l’originalité du groupe rhésus négatif: il ne comporte pas d’agglutinine naturelle.

Mais ce qui est très important, et là vous approchez du terme de l’explication, ces agglutinines peuvent apparaître dans le cas suivant : lorsque du sang rhésus négatif entre en contact avec du sang rhésus positif (c’est-à-dire du sang dont les globules rouges portent l’agglutinogène rhésus, vous l’avez vu plus haut). devant l’introduction de cette substance étrangère, l’agglutinogène rhésus, le sang rhésus négatif réagit, il fabrique des agglutinines anti-rhésus. On dit alors que le sujet rhésus négatif s’immunise contre les globules rouges rhésus positif.

C’est précisément cette immunisation, cette présence dans le sang rhésus négatif d’agglutinines anti-rhésus, qui peut être la source des accidents dont nous parlions plus haut. Alors que va-t-il se passer?

Si une femme a dans son sang des agglutinines anti-rhésus, cela n’a aucune conséquence pour son organisme.

Par contre, si elle est enceinte, ces agglutinines qui circulent dans son sang, franchissent le placenta, pénètrent la circulation fœtale, et y attaquent les globules rouges rhésus positif du bébé. Ces globules sont détruits, ou hémolysés, d’où le nom de maladie hémolytique donné aux divers accidents qui frappent alors le bébé. Ces accidents peuvent être plus ou moins graves, nous en parlons plus loin.

Voyons d’abord dans quel cas une femme rhésus négatif peut s’immuniser.

Immunisation des femmes rhésus négatif

Elle peut se faire dans deux circonstances :

  • La femme reçoit par erreur, une transfusion de sang rhésus positif. Elle développe alors des agglutinines pour se défendre contre les globules rouges rhésus positif. Elle a le temps d’en fabriquer une grande quantité avant la survenue d’une éventuelle grossesse. cette forme d’immunisation paraît donc particulièrement grave, et ceci d’autant plus que la transfusion responsable aura été faite à un âge plus jeune.
  • le bébé attendu est rhésus positif. Les globules rouges rhésus positif du fœtus peuvent (ce n’est ni obligatoire, ni constant) passer dans l’organisme maternel. Ce passage se fait essentiellement au moment de l’accouchement et de la délivrance.

Alors, au contact de ces globules rhésus positif, la femme va développer des agglutinines anti-rhésus. Ces agglutinines ne peuvent plus être néfastes pour le bébé qui vient de naître, mais puisqu’elles vont rester dans le sang de la mère, elles peuvent l’être pour l’enfant suivant. Ceci explique que les accidents ne surviennent pas au cours de la première grossesse (sauf si la femme a été immunisée par une transfusion), mais que les risques augmentent, au moins en théorie, avec la multiplication des grossesses.

Quels sont les risques pour une femme rhésus négatif d’être enceinte d’un bébé rhésus positif ? Cela dépend du père. S’il est rhésus négatif, l’enfant le sera également, donc pas de risque. Si le père est rhésus positif, il y a une chance sur deux que le bébé soit rhésus positif.

On voit donc qu’au cours de la grossesse, les risques d’immunisation dans le système rhésus sont loin d’être obligatoires et ne sont même pas fréquents.

Pour qu’il y ait immunisation :

  • d’abord, il faut que la femme soit rhésus négatif : cela n’arrive que 15 fois sur 100;
  • ensuite, il faut que le père soit rhésus positif, et qu’il ait engendré un enfant rhésus positif : cela n’arrive que dans 50 cas sur 100;

Enfin, même quand ces deux conditions sont réunies, les accidents paraissent beaucoup moins fréquents qu’on ne devrait s’y attendre. Ainsi, nombre de couples paraissent protégés par des mécanismes dont la plupart sont encore inconnus.

Voyons maintenant les risques pour le bébé de l’immunisation maternelle.

Risques de l’immunisation maternelle pour l’enfant

La destruction des globules rouges de l’enfant par les agglutinines maternelles va avoir des conséquences diverses dans leur gravité et leur date d’apparition.

les accidents les plus graves sont aussi les plus précoces. ils peuvent survenir dès le 6ème ou 7ème mois de grossesse. ce sont :

  • la mort du fœtus in utero;
  • un œdème(2), c’est-à-dire une infiltration de tous les organes du fœtus et du placenta : c’est l’anasarque fœto-placentaire, très rare et le plus souvent mortel.

Les accidents moins graves, plus faciles à traiter, apparaissent après la naissance :

  • l’anémie : elle est due à la destruction des globules rouges par les agglutinines maternelles;
  • l’ictère, c’est-à-dire la jaunisse, est également la conséquence de la destruction des globules rouges : celle-ci libère en effet un pigment, la bilirubine, qui se répand dans la circulation de l’enfant et donne la coloration jaune de la peau et des yeux. ce pigment peut atteindre le cerveau ou certaines zones sont particulièrement sensibles. Il peut en résulter de graves séquelles psychiques et motrices si l’ictère n’est pas traité.

Ces complications apparaissent en règle générale précocement dès les 24 premières heures après la naissance. Cet ictère ne doit pas être confondu avec celui, plus tardif et normal, que l’on voit chez de nombreux nouveau-nés.

Que faire si vous êtes facteur rhésus négatif?

Le premier geste de prévention consiste à dépister les femmes rhésus négatif, donc susceptibles de s’immuniser. Les règlements de Sécurité Sociale prévoient d’ailleurs la détermination du groupe sanguin dans les trois premiers mois de la grossesse; avec un contrôle au cours du 9ème mois.

Une fois que vous savez que vous êtes rhésus négatif, il est évidemment fondamental de connaître le groupe de votre mari. S’il est rhésus négatif, vous ne courez aucun risque puisque, vous l’avez vu, vos enfants seront obligatoirement rhésus négatif. Si votre mari est rhésus positif, c’est-à-dire si vous êtes dans les conditions de l’immunisation, il est intéressant de connaître son groupe (A, B, AB ou O). Il semble en effet que l’incompatibilité dans ce système (vous êtes du groupe A et votre mari du groupe B par exemple) protège dans une certaine mesure contre la survenue des accidents d’immunisation.

Il sera nécessaire également, si l’on vous a fait des transfusions de sang, de vérifier qu’elles n’ont entraîné aucune conséquence, en recherchant dans votre sang l’existence d’agglutinines dès le début de la grossesse.

La surveillance de la grossesse doit évidemment être très attentive et les examens suffisamment fréquents. La recherche et le dosage des agglutinines se pratiquent à chaque examen prénatal chez la multipare, au cours des 1er, 3ème et 4ème examens chez la primipare. Cette recherche sera faite même si la future maman a déjà bénéficié d’un traitement préventif lors d’une grossesse précédente.

Dans la plupart des cas, la grossesse évolue normalement. le médecin ne décèle aucune anomalie. Les recherche d’agglutinines restent négatives. Vous accoucherez à terme. Nous reviendrons sur les problèmes posés après la naissance de l’enfant.

Ailleurs, les choses se compliquent. ces complications apparaissent surtout chez les femmes qui ont déjà eu des enfants, et qui ont pu être immunisées lors des grossesses précédentes. On doit redouter ces complications à plus forte raison si des complications sont déjà apparues aux grossesses précédentes.

Ici, la surveillance clinique est encore plus attentive, les recherches d’agglutinines plus fréquentes et répétées en cas d’élévation importante de leur taux. Cela peut aussi amener à pratiquer des examens du liquide amniotique, par ponction. Ces examens permettent de savoir si l’enfant a été atteint, et dans quelle mesure. Si nécessaire, c’est alors que l’on met en place un traitement.

On reste démuni contre les accidents très précoces et habituellement graves, qui surviennent avant que l’enfant ne soit viable; c’est-à-dire avant que l’on puisse envisager de provoquer un accouchement prématuré. Dans des cas d’exceptionnelle gravité, on peut pratiquer une transfusion de sang alors que l’enfant est dans l’utérus. On a sauvé ainsi quelques enfants, mais cette technique reste d’application très rare. Ces cas gravissimes sont heureusement de moins en moins fréquents.

Le plus souvent, on attend que l’enfant soit viable et l’on provoque un accouchement avant terme (par voie naturelle ou par césarienne) afin de le soustraire à l’influence néfaste des agglutinines maternelles. Il n’est pas souhaitable en effet de laisser la grossesse évoluer jusqu’à son terme dans les cas où l’enfant paraît souffrir; car c’est dans les dernières semaines que les risques sont les plus grands.

Après la naissance

On va pratiquer un certain nombre d’examens chez l’enfant. Ils permettront :

  • de préciser son groupe sanguin, et surtout son facteur rhésus puisque seul l’enfant rhésus positif court des risques;
  • de préciser l’existence et l’importance de ces risques.

En fonction de l’aspect clinique de l’enfant à la naissance et du résultat des examens, divers cas peuvent se présenter :

  • le plus souvent, l’enfant ne présente aucun signe d’atteinte rhésus. Il reste simplement à le surveiller. Si rien ne s’est passé après le troisième jour, vous pouvez être rassurée.
  • Quelquefois apparaît précocement une jaunisse. les examens de laboratoire ne sont pas favorables. Il faut donc remplacer la totalité du sang de l’enfant par du sang « neuf ». Il peut être nécessaire de faire plusieurs exsanguino-transfusions(3) consécutives chez le même enfant.
  • Enfin, dans les cas présumés graves, où tout fait craindre une atteinte sévère de l’enfant, l’équipe de transfusion se trouve à côté de la salle d’accouchement, prête à agir. Les examens sont alors faits immédiatement, et la première exsanguino-transfusion est réalisée dans les minutes qui suivent la naissance.

De tout cela, vous pouvez aisément conclure que l’accouchement ne peut se dérouler que dans un centre bien équipé.

La prévention des accidents

En fait, tout permet de penser que, dans quelques années, les accidents dus au facteur rhésus ne seront plus qu’un mauvais souvenir.

Depuis de nombreuses années, en effet, une nouvelle méthode a vu le jour. Elle repose sur un principe simple : détruire les globules rouges du fœtus passés dans la circulation de la mère rhésus négatif avant que celle-ci n’ait le temps de fabriquer des agglutinines.

On injecte à la mère dans les soixante-douze heures qui suivent l’accouchement, des gamma-globulines préparées spécialement pour détruire les globules rhésus positif. C’est ce qu’on appelle, improprement d’ailleurs, la « vaccination anti-rhésus + ».

Ce traitement est répété après chaque accouchement. En revanche, il n’est pas applicable aux femmes déjà immunisées et qui ont déjà fabriqué des agglutinines.

A signaler : la « vaccination anti-rhésus + » peut également être nécessaire après un avortement, quelle qu’en soit la date.

Notes

(1) Voir la définition de l’agglutinine sur le lexique de grossesse
(2) Voir la définition de l’œdème sur le lexique de grossesse
(3) Voir la définition de l’exsanguino-transfusion sur le lexique de grossesse

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